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ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Le regard sur le corps est éminemment politique. C’est ce qu’un cinéma féministe veut faire reconnaître en s’attachant à révolutionner la manière de voir, en se débarrassant de ce male gaze, ce « regard masculin », qui imprègne les œuvres de fiction que des militantes américaines dénoncent depuis les années 1980.
Dans ce combat, l’inversion du postulat – de regard de mâle on passe au regard sur le mâle – est déterminante. Le collectif Lusted Men, réunissant cinq artistes et chercheuses qui s’assument activistes, entend renouveler l’imagerie érotique des hommes en optant pour des représentations qui bousculent les rôles de genre établi. Lancé en 2019, le projet, au terme de cinq ans de collecte et d’appels à contribution, a abouti à un livre de photographies manifeste (Lusted Men, Hoëbeke, 768 pages, 40 euros, à paraître le 31 octobre), qui compte explicitement « (r)éveiller le désir ».
C’est significativement dans la Galerie Obsession, dans le 11e arrondissement de Paris, que Célia Laborie nous invite, dans son documentaire, à réfléchir sur ces inflexions qui tiennent autant du militantisme que du jeu, avec l’ardeur et la malice que le défi autorise. Née de la dispersion de la collection homoérotique de l’ancien éditeur Pierre Passebon, la galerie, confiée à Florent Barbarossa, s’affranchit des tabous et met en lumière des artistes parfois oubliés ou controversés, toujours indifférents aux oukases du consensus.
Commentant pour Célia Laborie son parcours, son combat et sa démarche artistique, le jeune peintre iranien Alireza Shojaian, qui s’est exilé pour pouvoir célébrer librement sa passion du corps masculin, a, lui, été récemment exposé dans un cadre plus institutionnel à l’Institut du monde arabe, à Paris (Habibi, les révolutions de l’amour, septembre 2022-mars 2023).
Mais c’est la Galerie Obsession qui a servi d’écrin à « Tomber des nu(e)s », la magistrale exposition conçue par le photographe Marc Martin et son modèle, l’ancien champion de MMA Mathis Chevalier, d’avril à juin et accompagnée d’une publication prolongeant l’enjeu (Tomber des nue(s), Agua, 296 pages, 89 euros).
Brouillant les cartes, déjouant les clichés, pastichant les œuvres d’art comme les codes virils repris du cinéma, le corps de Mathis Chevalier rappelle que le nu masculin a longtemps été célébré comme incarnation de valeurs morales, de force, d’engagement, voire de souffrance, de la statuaire grecque aux corps des martyrs, mais qu’il est temps de lui donner aussi la dimension lascive, voluptueuse, insouciante aussi qu’on lui a longtemps refusée. D’une virilité aussi franche que survoltée, Mathis Chevalier joue avec le regard du photographe comme ceux de la réalisatrice et du spectateur.
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